[Rencontre avec le Comité d'organisation des Jeux...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT3215 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
historique Au départ, le projet de Jean-Claude Killy et Michel Barnier a fait sourire. Les Jeux en Savoie. "Vous n'y pensez pas", affirmaient certains. Le duo s'est pourtant accroché. Il l'a emporté, face à Paris, le 17 octobre 1986. Une journée inoubliable en forme de nouvelle médaille d'or pour Jean-Claude Killy, triple champion olympique à Grenoble. Et la réussite de toute une région...
historique Le 8 février 1992, à 17h15, le coup d'envoi des XVIe Jeux olympiques d'hiver sera donné avec la traditionnelle cérémonie d'ouverture présidée par François Mitterrand et Juan-Antonio Samaranch, patron du Comité international olympique. Après Chamonix, en 1924, et Grenoble, en 1968, la région Rhône-Alpes accueillera pour la troisième fois des Olympiades. A moins que la Fédération internationale de football ne choisisse la France pour la Coupe du monde de 1998, ce sera le principal événement dont notre pays aura la charge d'ici à la fin du siècle. Autant dire que le rendez-vous est d'importance et qu'il n'y a pas le moindre droit à l'erreur, comme les dirigeants du Cojo (Comité d'organisation des Jeux olympiques d'Albertville) l'ont souvent rappelé. Aujourd'hui, la Savoie est entrée dans la dernière ligne droite. Les équipements sportifs et tous ceux qui les accompagnent - routes et autoroutes principalement -, sont achevés ou sur le point de l'être. Il reste donc un peu moins de 365 jours pour tout peaufiner dans les moindres détails afin que ces Jeux "soient les plus beaux de l'histoire", comme l'a toujours souhaité Jean-Claude Killy. L'aventure des JO d'Albertville a officiellement démarré le 5 décembre 1981, au cours d'une conférence de presse donnée à l'occasion du Critérium de la Première neige, à Val d'Isère. A l'époque, la France du ski était plus préoccupée par les contre-performances des skieurs tricolores. Et les quelques journalistes présents autour de la fondue offerte à cette occasion s'étaient montrés plutôt sceptiques. Killy et Barnier semblaient pourtant croire dur comme fer à leur projet. Alors que l'idée faisait son chemin, la Savoie a pourtant eu à affronter, l'espace de quelques mois, une autre candidature française : celle de Nice (!) soutenue par Marielle Goitschel, la Savoyarde, passée au service de Jacques Médecin. Les Niçois proposaient les épreuves de ski alpin à Auron et Isola 2000 alors que le patinage aurait lieu à Nice. Quant aux compétitions de ski de fond, elles se seraient disputées sur une piste réfrigérée et couverte tracée le long de la plaine du Var... Albertville n'avait pas grand chose à craindre de ce dossier qui a seulement contribué à jeter un certain froid sur les relations entre "Toutoune" et Marielle, les deux plus célèbres Avallins. Le dossier niçois écarté, la poignée de Savoyards qui entourait le tandem Barnier-Killy a préparé son dossier et commencé son travail de lobbying auprès des quatre-vingt-neuf délégués internationaux du CIO. Une course de fond qui a consisté à les rencontrer les uns après les autres chez eux et à Sarajevo, où se sont disputés les JO de 1984. A l'approche du 17 octobre 1986, jour où le CIO devait rendre son verdict, la tension est montée, celle-ci étant principalement entretenue par l'équipe de candidature de Paris qui aurait payé très cher pour que la Savoie retire la sienne. On dit même que Jacques Chirac n'a jamais pardonné à Michel Barnier d'avoir monté ce projet. Les Savoyards ont su jouer sur la corde sensible des vieux messieurs de la famille olympique, que ce soit à travers le film de présentation, réalisé par Robert Enrico, ou quelques jours avant la session du CIO avec la touchante prestation de plusieurs milliers de gamins rassemblés sur la glace de la patinoire de Lausanne. Et ils avaient pour eux de posséder un dossier bien ficelé alors que cela était loin d'être le cas pour Paris handicapé en outre par la candidature de Barcelone, ville du Catalan Samaranch... La chance également de posséder dans leurs rangs Jean-Claude Killy, à côté duquel Guy Drut, la "vedette" parisienne, faisait bien pâle figure. Un Guy Drut qui s'est d'ailleurs totalement discrédité, le 17 octobre, lorsqu'il a continué à critiquer Albertville au lieu de féliciter sportivement ceux qui venaient de l'emporter par 51 voix contre 25 à Sofia et 9 à Falun, en Suède. Anchorage, Cortina d'Ampezzo, Berchtesgaden et Lillehammer (Norvège) étaient également candidates. Et la dernière des villes citées a été la mieux lotie des perdantes puisqu'elle a été retenue pour les Jeux de 1996... Tout le monde garde présentes à l'esprit les larmes versées par Killy, en ce 17 octobre 1986, un peu après 13h30. Un bonheur indescriptible qui venait après presque cinq années d'efforts appuyés par quinze entreprises qui ont soutenu financièrement le comité de candidature. Paradoxalement, le plus difficile venait également de commencer. Car organiser des JO dans treize sites différents n'était pas sans poser quelques problèmes de logistique. Au sein du Cojo, deux écoles semblent s'être opposées. L'une conduite par Jean-Claude Killy estimait judicieux de "resserrer les sites" afin de simplifier le dispositif assez lourd à gérer en rapatriant la descente et le Super-G dames des Menuires à Méribel. L'autre jugeait au contraire préférable de maintenir le schéma défini au départ, la victoire étant celle de toutes les stations qui avaient soutenu la candidature... On assista alors à l'épisode le plus triste de ces pré-Jeux puisque Jean-Claude Killy claqua la porte du Cojo le 29 janvier 1987, c'est-à-dire seize jours à peine après qu'il avait accepté d'en devenir le président ! Un départ provoqué par la manifestation anti-Killy, organisée devant la préfecture de Savoie, par les préoccupations professionnelles du champion et aussi - mais peu de gens le savaient alors-, par l'état de santé de sa femme décédée quelques mois plus tard. L'affaire fut un véritable drame national et on se rendit alors compte que ces Jeux sans lui ne seraient plus tout à fait les mêmes. Cela ressemblait même à une forme d'injustice. Et les plus hautes personnalités de l'Etat, le président Samaranch, Michel Barnier et ses amis, s'employèrent alors à le faire revenir sur une décision qualifiée "d'irrévocable!" Quatorze mois plus tard, au lendemain des JO de Calgary, ce travail de persuasion s'est avéré payant puisque la nouvelle tant attendue tombait le 30 mars 1988 : au cours d'une assemblée générale extraordinaire, le Cojo venait d'accepter de modifier ses statuts et créait une coprésidence avec Jean-Claude Killy et Michel Barnier à sa tête. Le soulagement était général et Killy reconnaissait qu'il ne lui aurait pas "été possible de passer à côté des Jeux." Dans la foulée, Claude Villain, inspecteur des Finances et directeur général du Cojo, donna sa démission et fut remplacé par Jean-Albert Corrand. D'autres changements intervinrent et il ne reste aujourd'hui plus grand monde de l'équipe de départ, celle qui a transformé l'essai d'Albertville à Lausanne. Le 27 juin 1988, Killy parlait aussi des négociations avec les sponsors : "Le programme se met en place. Nous essayons de maximiser les ventes car nous aimerions que les entreprises puissent utiliser les jeux à fond pour leur image, leurs opérations de relations publiques avec les VIP ou leurs clients pendant les épreuves. Tout sera prêt en septembre..." Killy avait tenu parole. Le 8 de ce mois, Lyon Figaro titrait : "Les sommets du sponsoring", titre d'un article consacré à la signature des deux premiers contrats. IBM France et le Crédit Lyonnais venaient de s'engager respectivement pour 200 et 110 millions de francs. Ces deux entreprises étaient les premiers membres du Club Coubertin, qui réunit les douze gros partenaires du Cojo. Depuis, cette date, le Cojo a atteint sa vitesse de croisière malgré quelques ratés concernant le tremplin de Courchevel, la piste de bobsleigh de La Plagne ou la patinoire de Pralognan. Des "affaires" montées en épingle par certains et exploitées par d'autres. Le président Samaranch s'était pourtant félicité du bon déroulement des travaux, le 26 janvier 1989, à Courchevel, alors que François Mitterrand avait lui aussi renouvelé sa confiance au Cojo, le 2 juin 1989, en affirmant : "J'ai encouragé Jean-Claude Killy et Michel Barnier quand ils sont venus me voir à l'origine du projet. Ce n'est pas pour les laisser tomber maintenant." Et le président de la République ajoutait : "Je veux les remercier d'avoir entrepris sans savoir de quelle façon ils mèneraient à bien ce dossier. C'est une vertu savoyarde d'oser entreprendre malgré les risques. Et le rayonnement de la Savoie et de la France va être considérablement servi par ce qui se passe ici... On trouvera les financements et s'il y a des efforts à faire on les fera car l'Etat ne va pas se défausser sur les collectivités territoriales ou sur le Cojo..." Aujourd'hui [en 1991], les Jeux sont presque prêts. Les tremplins ont été inaugurés. La piste de bobsleigh a été mise en glace. Les sept mille volontaires ont tous été recrutés. Les réservations côté public sont très bien parties. Et il n'y a plus qu'à patienter jusqu'au 8 février prochain pour vibrer aux exploits des athlètes du monde entier en espérant, puisque nous sommes réputés être chauvins, que les Français remporteront de nombreuses médailles. Quant aux éventuelles polémiques, il sera toujours temps de les examiner plus tard, en gardant tout de même présent à l'esprit le fait que la Savoie a largement profité des JO sur le plan économique et sur celui des aménagements, les seules routes réalisées l'ayant été en moins de quatre ans alors qu'il aurait fallu entre dix et quinze ans pour les achever sans les Jeux ! Ceux-ci devraient également permettre de relancer l'industrie des sports d'hiver, après trois années de vaches maigres... Source : "Dix ans d'aventure olympique" / Christian Dybich in Lyon Figaro (cahier saumon), 11 février 1991, p.19-20.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP03390.

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